Il y a maintenant une semaine, tout a basculé. Mes certitudes se sont effondrées. Mon cœur s’est brisé. Mon âme a pleuré.
Vega, mon beau cheval, avec qui je pensais avoir construit une si belle amitié, renforcée par une confiance et un respect durement gagnés, Vega que j’ai soigné corps et âme, pour qui je me suis surpassée, pour qui je me suis entièrement remise en questions…
Vega m’a dit « non, tous les deux, on ne pourra pas aller plus loin ».
Je l’ai monté sur la carrière. Sur le chemin, il fanfaronnait un peu. Au moment de le monter, il restait calme, immobile. Quelques tours au pas, rennes longues et dans le calme, mon cheval était très dynamique, mais rien ne laissait présager ce qui allait arriver… Vega voulait regarder les autres chevaux. Je lui ai simplement demandé gentiment de se remettre droit. Son corps s’est tendu, rigide, les muscles bandés, sa tête s’est relevée, son cou s’est arrondi, et, sans que je puisse réagir, il s’est levé, si haut, si vite, si fort…
Nous avons manqué de basculer. En redescendant, Vega a mis la tête entre ses antérieurs, et a décoché une ruade si forte que je me suis retrouvée sur sa croupe. Ballottée comme un pantin, mon corps désarticulé par cet infernal rodéo sur place, si énergique, a fini par choir lourdement sur le sol. Vega est parti au grand galop, ronflant, grand guerrier fier de sa victoire.
Le dos douloureux, je l’ai rattrapé. J’ai remis le pied à l’étrier. Il n’y a qu’en forgeant qu’on devient forgeron. A nouveau en selle, j’ai demandé à Vega de se mettre au trot. Pour ne pas qu’il chauffe, qu’il trépigne, et que l’impatience le gagne à nouveau. Comme une débutante, ma renne extérieure était courte, pour qu’il garde la piste. Ma main intérieure serrait une poignée de son épaisse et douce crinière. Quelques tours au trot, changements de main… et mon beau Vega, enragé, a violemment recommencé sa stratégie qui n’avait qu’un unique but : me faire mordre la poussiere. J’ai vu le coin se rapprocher, sous les ruées décuplées de son corps incandescent. Son dos rond et sa force de titan ont rapidement eu raison de moi, et mon corps, projeté au sol avec une force d’une violence inouie, est venu s’écraser sur le sable, en un soleil macabre. Mon esprit meurtri par cette trahison s’est noyé dans le chagrin. Mon corps paralysé par la douleur s’est raidi, l’air ne remplissait plus mes poumons, plus aucun son n’arrivait à mes oreilles. L’œil écarquillé, je devinais les silouhettes de mes amies qui semblaient courir au ralenti vers moi. J’ai hurlé. Hurlé de terreur, de douleur, de déception. Couchée, défaite et déchue, j’entendais mon cheval fanfaronner, et fêter dignement sa victoire définitive, la queue sur la croupe, galopant frénétiquement en ronflant, les naseaux dilatés et rouges, fier comme un général.
Brisée, je suis restée dans un état de choc pendant un moment, pleurant, désespérée, perdue, totalement hébétée par la violence de cette défense et par sa dangerosité.
Vega a été remonté. Pas par moi. Pour qu’il ne reste pas sur cette victoire.
Tous les muscles du haut de mon dos ont été écrasés. La colonne et les cervicales ont été ébranlées. La cage thoracique a été entierement comprimée, par chance, aucun organe n’a souffert. Mon casque a sauvé ma boite craniene, mais un traumatisme subsiste, qui m’empêche encore aujourd’hui de me concentrer, de fixer des choses, de réfléchir, qui me fait pleurer pour n’importe quoi, qui ébranle mon équilibre et m’engorge de nausées. Les céphalées sont pointues et acérées. Je bégaie souvent, et perds facilement le fil de mes pensées. Je n’ai aucune patience, et ma tolérance est mise à rude épreuve. Outre les douleurs cervico dorsales, une de mes cotes me fait énormément souffrir.
La blessure mentale a été difficile a digérer. Vega, monté par un cavalier strict, précis et « rentre dedans » travaille formidablement bien. Et avec plaisir. C’est un gentil cheval, mais il aime tester et entrer en conflit, son intelligence et sa force lui permettant de trouver facilement les failles de cavaliers qui, comme moi, sont d’un niveau moyen et qui axent leur travail vers le respect et la confiance.
Vega est un cheval très dominant. Nul doute qu’il m’aimait beaucoup pour tolérer mes demandes pendant ces longs mois. Mais ce que je pensais être du respect était en fait une mince tolérance. Quand je lui ai dit « non », il m’a dit « merde », et de la pire manière qui soit. Le cabré est une défense que je ne saurai tolérer chez un cheval, et ce en aucun cas. Si c'était arrivé avant l'accident, ma réaction aurait été identique. J'espérais que ce comportement soit du à sa convalescence, vu les dizaines de fois qu'il la fait, en main ou aux longues rennes, et je croisais les doigts pour que l'inévitable ne se produise pas : qu'il le fasse monté. Je suis incapable de lui faire passer cette manie, et bien incapable de le monter comme il l’aime être. Je n’ai pas les finances pour le faire redresser, et, à quoi bon, je n’ai pas la prétention de transformer Vega à mon image, comme j’aimerai qu’il soit.
C’est un être magnifique et merveilleux, mais notre couple ne saura jamais trouver l’harmonie pour que chacun se sente bien… lui, fermement encadré, avec un cavalier prêt à « jouer » avec lui et capable de le tenir et de le faire progresser, et moi, sereine avec un cheval avec lequel j’aurai développé une vraie relation de confiance, et qui me reconnaitrait comme son dominant (ou leader).
Malgré tout le travail effectué en ce sens avec Vega, il ne m’a jamais reconnue comme tel, pourtant, j’ai tout donné pour lui, tout changé, je me suis adaptée, j’ai maitrisé ma peur, appris à gérer ses exces de colère, à être ferme avec lui… Il n’est pas heureux comme cela. Et moi non plus.
Après presque une année passée ensemble, à se découvrir, à apprendre à se connaitre et à s’apprécier, à se battre pour sa survie… nous avons traversé des moments durs, la douleur, la peine, le doute, la colère, et aussi de merveilleux moments de complicité, de tendresse, de confiance, de partage…Nos routes vont devoir se séparer.
Vega partira dans une nouvelle maison, avec un nouveau propriétaire qui saura l’aimer et le faire progresser comme il le mérite.
Pour ma part, de nouveaux horizons se dessinent. La douleur de prendre cette décision reste incandescente, lancinante, mais je n’ai pas de regret, car je suis convaincue, au plus profond de moi, que c’est la meilleure solution. Parfois, il faut savoir être humble, et admettre qu’on n’est pas capable. L’amour ne suffit pas toujours. Prendre soin de Vega, le soigner, m’occuper de lui à pied étaient dans mes cordes. Pour son travail monté, mon niveau ne me permettra pas de le gérer, et nous allons entrer dans de perpétuels conflits dont il sortira toujours vainqueur. Notre relation va s’altérer petit à petit, et je refuse cette issue.
Vega aura été mon premier cheval. Il m’aura tout appris, et je ne pourrai jamais l’oublier. Sa beauté, sa tendresse, son regard, sa chaleur et son tempérament de feu… Doudounet me manquera, c’est sur… et j’espère de tout mon cœur que son passage chez moi lui aura apporté du bonheur, et qu’il aura été heureux en ma compagnie.
Cet article met fin à ce blog. Je vous remercie tous d’avoir suivi mes aventures avec mon rêve d’enfant, mon bel espagnol. Une page se tourne, non sans cicatrices, mais une lumiere brille à l’horizon… un tournant s’opère dans ma vie de cavalière. Vous pourrez désormais suivre mes nouvelles aventures sur mon blog Phoenix Rising.
vendredi 28 septembre 2007
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